• KIT 3

    KIT 3

    Le 13 Juillet

    La joie est ici-bas toujours jeune et nouvelle,
    Mais le chagrin n’est vrai qu’autant qu’il a vieilli.
    À peine si le prince, hier enseveli,
    Commence à s’endormir dans la nuit éternelle ;
    L’ange qui l’emporta n’a pas fermé son aile ;
    Peut-être est-ce bien vite oser parler de lui.

    Ce fut un triste jour, quand, sur une civière,
    Cette mort sans raison vint nous épouvanter.
    Ce fut un triste aspect, quand la nef séculaire
    Se para de son deuil comme pour le fêter.
    Ce fut un triste bruit, quand, au glas funéraire,
    Les faiseurs de romans se mirent à chanter.

    Nous nous tûmes alors, nous, ses amis d’enfance.
    Tandis qu’il cheminait vers le sombre caveau.
    Nous suivions le cercueil en pensant au berceau ;
    Nos pleurs, que nous cachions, n’avaient pas d’éloquence,

    Et son ombre peut-être entendit le silence
    Qui se fit dans nos cœurs autour de son tombeau.
    Maintenant qu’elle vient, plus vieille d’une année,
    Réveiller nos regrets et nous frapper au cœur,
    Il faut la saluer, la sinistre journée
    Où ce jeune homme est mort dans sa force et sa fleur,
    Préservé du néant par l’excès du malheur,
    Par sa jeunesse même et par sa destinée.

    À qui donc, juste Dieu ! peut-on dire : À demain ?
    L’Espérance et la Mort se sont donné la main,
    Et traversent ainsi la terre désolée.
    L’une marche à pas lents, toujours calme et voilée ;
    Sur ses genoux tremblants l’autre tombe en chemin,
    Et se traîne en pleurant, meurtrie et mutilée.

    Ô Mort ! tes pas sont lents, mais ils sont bien comptés.
    Qui donc t’a jamais crue aveugle, inexorable ?
    Qui donc a jamais dit que ton spectre implacable
    Errait, ivre de sang, frappant de tous côtés,
    Balayant au hasard, comme des grains de sable,
    Les temples, les déserts, les champs et les cités ?

    Non, non, tu sais choisir. Par instants, sur la terre
    Tu peux sembler commettre, il est vrai, quelque erreur :
    Ta main n’est pas toujours bien sûre, et ta colère
    Ménage obscurément ceux qui savent te plaire,
    Épargne l’insensé, respecte l’imposteur,
    Laisse blanchir le vice et languir le malheur.

    Mais, quand la noble enfant d’une race royale,
    Fuyant des lourds palais l’antique oisiveté,
    S’en va dans l’atelier chercher la vérité,
    Et là, créant en rêve une forme idéale,
    Entr’ouvre un marbre pur de sa main virginale,
    Pour en faire sortir la vie et la beauté ;

    Quand cet esprit charmant, quand ce naïf génie
    Qui courait à sa mère au doux nom de Marie,
    Sur son œuvre chéri penche son front rêveur,
    Et, pour nous peindre Jeanne interrogeant son cœur,
    À la fille des champs qui sauva la patrie
    Prête sa piété, sa grâce et sa pudeur ;

    Alors ces nobles mains, qui, du travail lassées,
    Ne prenaient de repos que le temps de prier,
    Ces mains riches d’aumône et pleines de pensées
    Ces mains où tant de pleurs sont venus s’essuyer,
    Frissonnent tout à coup et retombent glacées.
    Le cercueil est à Pise ; on va nous l’envoyer.

    Et lui, mort l’an passé, qu’avait-il fait, son frère ?
    À quoi bon le tuer ? Pourquoi, sur ce brancard,
    Ce jeune homme expirant suivi par un vieillard ?
    Quel cœur fut assez froid, sur notre froide terre,
    Ou pour ne pas frémir, ou pour ne pas se taire,
    Devant ce meurtre affreux commis par le hasard ?

    Qu’avait-il fait que naître et suivre sa fortune,
    Sur les bancs avec nous venir étudier,
    Avec nous réfléchir, avec nous travailler,
    Prendre au soleil son rang sur la place commune,
    De grandeur, hors du cœur, n’en connaissant aucune,
    Et, puisqu’il était prince, apprendre son métier ?

    Qu’avait-il fait qu’aimer, chercher, voir par lui-même
    Ce que Dieu fit de bon dans sa bonté suprême,
    Ce qui pâlit déjà dans ce monde ennuyé ?
    Patrie, honneur, vieux mots dont on rit et qu’on aime,
    Il vous savait, donnait au pauvre aide et pitié,
    Au plus sincère estime, au plus brave amitié.

    Qu’avait-il fait, enfin, que ce qu’il pouvait faire ?
    Quand le canon grondait, marcher sous la bannière ;
    Quand la France dormait, s’exercer dans les camps.
    Il s’en fût souvenu peut-être avec le temps ;

    Car parfois sa pensée était sur la frontière,
    Pendant qu’il écoutait les tambours battre aux champs.
    Que lui reprocherait même la calomnie ?
    Jamais coup plus cruel fut-il moins mérité ?
    À défaut de regret, qui ne l’a respecté ?
    Faites parler la foule, et la haine, et l’envie :
    Ni tache sur son front, ni faute dans sa vie.
    Nul n’a laissé plus pur le nom qu’il a porté.

    Qu’importe tel parti qui triomphe ou succombe ?
    Quel ennemi du père ose haïr le fils ?
    Qui pourrait insulter une pareille tombe ?
    On dit que, dans un bal, du temps de Charles Dix,
    Sur les marches du trône il s’arrêta jadis.
    Qu’il y dorme en repos, du moins, puisqu’il y tombe !

    Hélas ! mourir ainsi, pauvre prince, à trente ans !
    Sans un mot de sa femme, un regard de sa mère,
    Sans avoir rien pressé dans ses bras palpitants !
    Pas même une agonie, une douleur dernière !
    Dieu seul lut dans son cœur l’ineffable prière
    Que les anges muets apprennent aux mourants.

    Que ce Dieu, qui m’entend, me garde d’un blasphème !
    Mais je ne comprends rien à ce lâche destin
    Qui va sur un pavé briser un diadème,
    Parce qu’un postillon n’a pas sa guide en main.
    Ô vous qui passerez sur ce fatal chemin,
    Regardez à vos pas, songez à qui vous aime !

    Il aimait nos plaisirs, nos maux l’ont attristé.
    Dans ce livre éternel où le temps est compté,
    Sa main avec la nôtre avait tourné la page.
    Il vivait avec nous, il était de notre âge.
    Sa pensée était jeune, avec l’ancien courage ;
    Si l’on peut être roi de France, il l’eût été.

    Je le pense et le dis à qui voudra m’en croire,
    Non pas en courtisan qui flatte la douleur,
    Mais je crois qu’une place est vide dans l’histoire.
    Tout un siècle était là, tout un siècle de gloire,
    Dans ce hardi jeune homme appuyé sur sa sœur,
    Dans cette aimable tête, et dans ce brave cœur.

    Certes, c’eût été beau, le jour où son épée,
    Dans le sang étranger lavée et retrempée,
    Eût au pays natal ramené la fierté ;
    Pendant que de son art l’enfant préoccupée,
    Sur le seuil entr’ouvert laissant la Charité,
    Eût fait, avec la Muse, entrer la Liberté.

    À moi, Nemours ! à moi, d’Aumale ! à moi, Joinville !
    Certes, c’eût été beau, ce cri dans notre ville,
    Par le peuple entendu, par les murs répété ;
    Pendant qu’à l’oratoire, attentive et tranquille,
    Pâle, et les yeux brillants d’une douce clarté,
    La sœur eût invoqué l’éternelle Bonté.

    Certes, c’eût été beau, la jeunesse et la vie,
    Ce qui fut tant aimé, si longtemps attendu,
    Se réveillant ainsi dans la mère patrie.
    J’en parle par hasard pour l’avoir entrevu ;
    Quelqu’un peut en pleurer pour l’avoir mieux connu ;
    C’est sa veuve, c’était sa femme et son amie.

    Pauvre Prince ! quel rêve à ses derniers instants !
    Une heure (qu’est-ce donc qu’une heure pour le Temps ?)
    Une heure a détourné tout un siècle. Ô misère !
    Il partait, il allait au camp, presque à la guerre.
    Une heure lui restait, il était fils et père :
    Il voulut embrasser sa mère et ses enfants.

    C’était là que la Mort attendait sa victime ;
    Il en fut épargné dans les déserts brûlants
    Où l’Arabe fuyard, qui recule à pas lents,
    Autour de nos soldats que la fièvre décime,

    Rampe, le sabre au poing, sous les buissons sanglants.
    Mais il voulut revoir Neuilly ; ce fut son crime.
    Neuilly ! charmant séjour, triste et doux souvenir !
    Illusions d’enfants, à jamais envolées !
    Lorsqu’au seuil du palais, dans les vertes allées,
    La reine, en souriant, nous regardait courir,
    Qui nous eût dit qu’un jour il faudrait revenir
    Pour y trouver la mort et des têtes voilées !

    Quels projets nous faisions à cet âge ingénu
    Où toute chose parle, où le cœur est à nu !
    Quand, avec tant de force, eut-on tant d’espérance ?
    Innocente bravoure, audace de l’enfance !
    Nous croyions l’heure prête et le moment venu ;
    Nous étions fiers et fous, mais nous avions la France.

    Songe étrange ! il est mort, et tout s’est endormi.
    Comment une espérance et si juste et si belle
    Peut-elle devenir inutile et cruelle ?
    Il est mort l’an dernier, et son deuil est fini,
    La sanglante masure est changée en chapelle.
    Qui nous dira le reste, et quel âge a l’oubli ?

    Il n’est pas tombé seul en allant à Neuilly.
    Sur neuf que nous étions, marchant en compagnie,
    Combien sont morts ! — Albert, son jeune et brave ami,
    Et Montemart, et toi, pauvre Laborderie,
    Qui te hâtais d’aimer pour jouir de la vie,
    Le meilleur de nous tous et le premier parti !

    Si le regret vivait, vos noms seraient célèbres,
    Amis ! — Que cette sombre et triste déité
    Qui prête à notre temps sa tremblante clarté
    Vous éclaire en passant de ses torches funèbres,
    Et nous, enfants perdus d’un siècle de ténèbres,
    Tenons-nous bien la main dans cette obscurité !

    Car la France, hier encor la maîtresse du monde,
    A reçu, quoi qu’on dise, une atteinte profonde,
    Et, comme Juliette, au fond des noirs arceaux,
    À demi réveillée, à demi moribonde,
    Trébuchant dans les plis de sa pourpre en lambeaux,
    Elle marche au hasard, errant sur des tombeaux.

     

     

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     Beaucoup étaient là.

    La fête battait son plein et l'insouciance régnait.

    Un monde défilait. D’autres se défilaient.

     Ici, les chants et la fête ! Ailleurs, les chars.

    Le pacifisme en réponse aux nazis.

    L’inconscience oublieuse, face aux fusils.

    Bientôt, un monde allait s’effondrer dans le sang.

    La folie des hommes. Un nouvel affrontement.

    Sur les routes, les soldats, les civils fuyaient.

    Et le courage, l’audace. Reste le désespoir.

    L’insouciance se payait par ses heures noires.

    L’incompétent fuit ses responsabilités.

     Mais des voix, des hommes s’élèvent : Résistance !

    Des hommes et des femmes franchissent la mer.

    Et un général proclame l’éternel France.

    Unissant, regroupant les forces volontaires.
     
    Ils n’étaient pas tous là. Et certains s’égaraient.

    Croyant l’internationale et non la patrie !

    D’autres, un autre monde. Et collaboraient.

    Notre France se déchirait à l’infini.
     
    Mais un général proclame l’éternel France.

    Unissant, regroupant des forces volontaires.

    Des Hommes, des femmes rejoignent l’Angleterre

    Car la voix de la France crie. Résistance !
     
    Ils n’étaient pas tous là mais ils étaient nombreux.

    Combattant pour l’honneur d’une France vaincue.

    Sur mer, sur terre. En résistant courageux.

    Soldats de l’ombre redressant l’honneur perdu.

    Vous vous êtes bien battus. Vous avez résisté.

    La France vous doit tant Soldats. La liberté.

    Gérard Brazon

     

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    Pour ne pas oublier .
    Le dernier jour de guerre 14-18 a fait près de 11 000 tués, blessés ou disparus.
    L’armistice de 1918, signé le 11 novembre 1918 à 5 h 15, marque la fin des combats de la Première Guerre mondiale.

    Ce qui s'est passé hier
    peut ce reproduire demain
    Si nous l'oublions aujourd'hui !


    Voici une chanson de Moussu T e lei Jovents qui rend hommage aux « poilus ».

    Les paroles de la chanson :

    Trois prénoms qu’ils ont donnés à mon père,
    Comme un clin d’oe?il pour traverser le temps.
    Trois prénoms pour trois garçons ordinaires
    Pourtant tous morts avant d’avoir trente ans.
    Que pensaient-ils en embrassant la mère,
    Le matin où ils ont quitté leurs champs.
    Il faut de l’or pour rester à l’arrière,
    Ils vont au front, les fils de paysans.

    Paul, Émile et Henri,
    Non, la mort n’est jamais belle.
    Paul, Émile et Henri
    Verdun, la Somme ou bien Gallipoli.

    Je ne suis pas doué pour chanter l’enfer,
    C’est fait de boue, de vermine et de froid,
    C’est fait de cris et de coups de tonnerre
    Et de copains qui tombent autour de toi.
    Ici, la mort ne fait pas de manières,
    Elle en emporte cent à chaque fois,
    Pauvres garçons mélangés à la terre,
    Loin de chez eux, sans avoir su pourquoi.

     

     

    La chanson de Craonne

    Quand au bout d’huit jours le r’pos terminé
    On va reprendre les tranchées,
    Notre place est si utile
    Que sans nous on prend la pile
    Mais c’est bien fini, on en a assez
    Personne ne veut plus marcher
    Et le coeur bien gros, comm’ dans un sanglot
    On dit adieu aux civ’lots
    Même sans tambours, même sans trompettes
    On s’en va là-haut en baissant la tête

    Adieu la vie, adieu l’amour,
    Adieu toutes les femmes
    C’est bien fini, c’est pour toujours
    De cette guerre infâme
    C’est à Craonne sur le plateau
    Qu’on doit laisser sa peau
    Car nous sommes tous des condamnés
    Nous sommes les sacrifiés


    Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
    Pourtant on a l’espérance
    Que ce soir viendra la r’lève
    Que nous attendons sans trêve
    Soudain dans la nuit et le silence
    On voit quelqu’un qui s’avance
    C’est un officier de chasseurs à pied
    Qui vient pour nous remplacer
    Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
    Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes


    Adieu la vie, adieu l’amour,
    Adieu toutes les femmes
    C’est bien fini, c’est pour toujours
    De cette guerre infâme
    C’est à Craonne sur le plateau
    Qu’on doit laisser sa peau
    Car nous sommes tous des condamnés
    Nous sommes les sacrifiés


    C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
    Tous ces gros qui font la foire
    Si pour eux la vie est rose
    Pour nous c’est pas la même chose
    Au lieu d’se cacher tous ces embusqués
    Feraient mieux d’monter aux tranchées
    Pour défendre leur bien, car nous n’avons rien
    Nous autres les pauv’ purotins
    Tous les camarades sont enterrés là
    Pour défendre les biens de ces messieurs-là


    Ceux qu’ont le pognon, ceux-là reviendront
    Car c’est pour eux qu’on crève
    Mais c’est bien fini, car les trouffions
    Vont tous se mettre en grève
    Ce s’ra vot’ tour messieurs les gros
    D’monter sur le plateau
    Et si vous voulez faire la guerre
    Payez-la de votre peau
    1917 Anonyme

    En 1917, après le massacre du Chemin des Dames , où plus de 147 000 poilus ont été tués et plus de 100 000 blessés en deux semaines, les soldats se mutinent dans plus de 60 des 100 divisions de l’armée française. Ces révoltes furent très sévèrement réprimées, en particulier par Pétain [3] : il y eu plus de 500 condamnés à mort.
    Cette chanson était interdite, et un million de francs-or plus la démobilisation immédiate furent promis à qui dénoncerait son auteur. Elle est restée anonyme...

     

     

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