• DIVERS 13


    DIVERS 13


    La bonne France

    Douce France, France jolie,
    France d’amour et d’idéal,
    Qui, dans ton épique folie,
    As fait tant de bien pour le mal.

    Tant de fois tu fus déchirée
    Par les crocs sanglants du vainqueur ;
    Mais ce qu’ils n’ont pas altéré,
    C’est la jeunesse de ton Cœur ;

    C’est l’éternelle joliesse
    De celle qu’un rien attendrit,
    Et qui, de peine ou de liesse,
    En larmes douces, pleure ou rit ;

    C’est, dans toute sombre ambiance,
    Quand l’horizon semble d’airain,
    Cette enfantine confiance,
    Dont l’azur est toujours serein.

    France dont le cœur surabonde
    De gentillesse et de pitié,
    Rien ne résiste, dans le monde,
    Au charme de ton amitié !

    Il suffit qu’une voix te nomme
    Et s’élève pour t’acclamer,
    Pour que tout noble et fier cœur d’homme
    S’émeuve et se prenne à t’aimer.

    Oh ! c’est que ton front reste encore
    Toujours rayonnant, haut et clair,
    Comme le front d’or de l’aurore
    Dans le ciel limpide de l’air.

    Nérée Beauchemin, Patrie Intime

     

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  • DIVERS 12

     

     

    DIVERS 12


    France

    Oui, mon pays est encore France :
    La fougue, la verve, l’accent,
    L’âme, l’esprit, le coeur, le sang,
    Tout nous en donne l’assurance :
    La France reste toujours France.

    Aujourd’hui, tout comme naguère,
    Ne sommes-nous pas, trait pour trait,
    Le vrai profil, le vif portrait
    Du Normand, père de nos pères ?
    Français, vous êtes nos grands frères.

    Il est toujours vert et vivace,
    Le rameau du vieil arbre franc ;
    De sève chaude exubérant,
    Superbe et fort comme la race,
    Il est toujours vert et vivace.

    Vienne la magnifique aurore
    Des fêtes d’hiver, Montréal,
    Narguant l’âpre vent boréal,
    Pour la danse revêt encore
    Son domino multicolore.

    Pittoresque palais féerique,
    Sur tes murs de glace et de feu,
    Le drapeau rouge, blanc et bleu
    Arbore au soleil d’Amérique
    La chaude gaîté d’Armorique.

    Avec la fusée écarlate,
    Qui crépite et crible d’éclairs
    Le cristal de tes dômes clairs,
    Dans l’air qu’elle échauffe et dilate
    L’allégresse de France éclate.

    Mais au lointain si notre oreille
    Entend le clairon du combat,
    C’est alors que le coeur nous bat,
    C’est alors que le sang s’éveille,
    Au son qui frappe notre oreille.

    Sonnez, chantez, clairons sonores !
    Allons, étendards, en avant !
    Dans le feu, l’éclair et le vent,
    Déployez vos plis tricolores !
    Sonnez, chantez, clairons sonores !

    L’envahissement est immense.
    – Pour chasser ces grands reîtres roux,
    Que ne sommes-nous avec vous,
    Jeunes soldats de la défense !
    Oh ! notre douleur est immense.

    France, ô maternelle patrie,
    Nos coeurs, qui ne font qu’un pour toi,
    Encore palpitants d’émoi,
    Saignent des coups qui t’ont meurtrie,
    France, ô maternelle patrie !

    Ici comme là-bas on pleure.
    Dévorant le sanglant affront,
    Baissant les yeux, courbant le front,
    Silencieux, on attend l’heure.
    Ici comme là-bas on pleure.

    Quand finira l’horrible transe ?
    Oh ! quand de Versaille à Strasbourg,
    Cloche, canon, clairon, tambour
    Proclameront la délivrance
    De la grande terre de France ?

    Nérée Beauchemin

     

     

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  • DIVERS 11


     DIVERS 11


    A la France

    France ! ô belle contrée, ô terre généreuse
    Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse,
    Tu ne sens point du Nord les glaçantes horreurs ;
    Le Midi de ses feux t’épargne les fureurs ;
    Tes arbres innocents n’ont point d’ombres mortelles ;
    Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles
    Ne trompent une main crédule ; ni tes bois
    Des tigres frémissants ne redoutent la voix ;
    Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes
    En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes.
    Les chênes, les sapins et les ormes épais
    En utiles rameaux ombragent tes sommets ;
    Et de Beaune et d’Aï les rives fortunées,
    Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées,
    Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux
    Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux.
    La Provence odorante, et de Zéphyre aimée,
    Respire sur les mers une haleine embaumée,
    Au bord des flots couvrant, délicieux trésor,
    L’orange et le citron de leur tunique d’or ;
    Et plus loin, au penchant des collines pierreuses,
    Forme la grasse olive aux liqueurs savoureuses,
    Et ces réseaux légers, diaphanes habits,
    Où la fraîche grenade enferme ses rubis.
    Sur tes rochers touffus la chèvre se hérisse,
    Tes prés enflent de lait la féconde génisse,
    Et tu vois tes brebis, sur le jeune gazon,
    Épaissir le tissu de leur blanche toison.
    Dans les fertiles champs voisins de la Touraine,
    Dans ceux où l’Océan boit l’urne de la Seine,
    S’élèvent pour le frein des coursiers belliqueux.
    Ajoutez cet amas de fleuves tortueux :
    L’indomptable Garonne aux vagues insensées,
    Le Rhône impétueux, fils des Alpes glacées,
    La Seine au flot royal, la Loire dans son sein
    Incertaine, et la Saône, et mille autres enfin
    Qui nourrissent partout, sur tes nobles rivages,
    Fleurs, moissons et vergers, et bois et pâturages,
    Rampent aux pieds des murs d’opulentes cités,
    Sous les arches de pierre à grand bruit emportés.

    Dirai-je ces travaux, source de l’abondance,
    Ces ports, où des deux mers l’active bienfaisance
    Amène les tributs du rivage lointain
    Que visite Phoebus le soir ou le matin ?
    Dirai-je ces canaux, ces montagnes percées,
    De bassins en bassins ces ondes amassées
    Pour joindre au pied des monts l’une et l’autre Téthys ?
    Et ces vastes chemins en tous lieux départis,
    Où l’étranger, à l’aise achevant son voyage,
    Pense au nom des Trudaine et bénit leur ouvrage ?

    Ton peuple industrieux est né pour les combats.
    Le glaive, le mousquet n’accablent point ses bras.
    Il s’élance aux assauts, et son fer intrépide
    Chassa l’impie Anglais, usurpateur avide.
    Le ciel les fit humains, hospitaliers et bons,
    Amis des doux plaisirs, des festins, des chansons ;
    Mais, faibles opprimés, la tristesse inquiète
    Glace ces chants joyeux sur leur bouche muette,
    Pour les jeux, pour la danse appesantit leurs pas,
    Renverse devant eux les tables des repas,
    Flétrit de longs soucis, empreinte douloureuse,
    Et leur front et leur âme. Ô France ! trop heureuse,
    Si tu voyais tes biens, si tu profitais mieux
    Des dons que tu reçus de la bonté des cieux !

    Vois le superbe Anglais, l’Anglais dont le courage
    Ne s’est soumis qu’aux lois d’un sénat libre et sage,
    Qui t’épie, et, dans l’Inde éclipsant ta splendeur,
    Sur tes fautes sans nombre élève sa grandeur.
    Il triomphe, il t’insulte. Oh ! combien tes collines
    Tressailliraient de voir réparer tes ruines,
    Et pour la liberté donneraient sans regrets,
    Et leur vin, et leur huile, et leurs belles forêts !
    J’ai vu dans tes hameaux la plaintive misère,
    La mendicité blême et la douleur amère.
    Je t’ai vu dans tes biens, indigent laboureur,
    D’un fisc avare et dur maudissant la rigueur,
    Versant aux pieds des grands des larmes inutiles,
    Tout trempé de sueurs pour toi-même infertiles,
    Découragé de vivre, et plein d’un juste effroi
    De mettre au jour des fils malheureux comme toi.

    Tu vois sous les soldats les villes gémissantes ;
    Corvée, impôts rongeurs, tributs, taxes pesantes,
    Le sel, fils de la terre, ou même l’eau des mers,
    Sources d’oppression et de fléaux divers ;
    Vingt brigands, revêtus du nom sacré de prince,
    S’unir à déchirer une triste province,
    Et courir à l’envi, de son sang altérés,
    Se partager entre eux ses membres déchirés.
    Ô sainte Égalité ! dissipe nos ténèbres,
    Renverse les verrous, les bastilles funèbres.
    Le riche indifférent, dans un char promené,
    De ces gouffres secrets partout environné,
    Rit avec les bourreaux, s’il n’est bourreau lui-même ;
    Près de ces noirs réduits de la misère extrême,
    D’une maîtresse impure achète les transports,
    Chante sur des tombeaux, et boit parmi des morts.

    Malesherbes, Turgot, ô vous en qui la France
    Vit luire, hélas ! en vain sa dernière espérance,
    Ministres dont le coeur a connu la pitié,
    Ministres dont le nom ne s’est point oublié ;
    Ah ! si de telles mains, justement souveraines,
    Toujours de cet empire avaient tenu les rênes,
    L’équité clairvoyante aurait régné sur nous ;
    Le faible aurait osé respirer près de vous ;
    L’oppresseur, évitant d’armer d’injustes plaintes,
    Sinon quelque pudeur aurait eu quelques craintes ;
    Le délateur impie, opprimé par la faim,
    Serait mort dans l’opprobre, et tant d’hommes enfin,
    A l’insu de nos lois, à l’insu du vulgaire,
    Foudroyés sous les coups d’un pouvoir arbitraire,
    De cris non entendus, de funèbres sanglots,
    Ne feraient point gémir les voûtes des cachots.

    Non, je ne veux plus vivre en ce séjour servile ;
    J’irai, j’irai bien loin me chercher un asile,
    Un asile à ma vie en son paisible cours,
    Une tombe à ma cendre à la fin de mes jours,
    Où d’un grand au coeur dur l’opulence homicide
    Du sang d’un peuple entier ne sera point avide,
    Et ne me dira point, avec un rire affreux,
    Qu’ils se plaignent sans cesse et qu’ils sont trop heureux ;
    Où, loin des ravisseurs, la main cultivatrice
    Recueillera les dons d’une terre propice ;
    Où mon coeur, respirant sous un ciel étranger,
    Ne verra plus des maux qu’il ne peut soulager ;
    Où mes yeux, éloignés des publiques misères,
    Ne verront plus partout les larmes de mes frères,
    Et la pâle indigence à la mourante voix,
    Et les crimes puissants qui font trembler les lois.

    Toi donc, Équité sainte, ô toi, vierge adorée,
    De nos tristes climats pour longtemps ignorée,
    Daigne du haut des cieux goûter le libre encens
    D’une lyre au coeur chaste, aux transports innocents,
    Qui ne saura jamais, par des voeux mercenaires,
    Flatter à prix d’argent des faveurs arbitraires,
    Mais qui rendra toujours, par amour et par choix,
    Un noble et pur hommage aux appuis de tes lois.
    De voeux pour les humains tous ses chants retentissent ;
    La vérité l’enflamme, et ses cordes frémissent
    Quand l’air qui l’environne auprès d’elle a porté
    Le doux nom des vertus et de la liberté.

    André Chénier, Hymnes et Odes

     

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