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    Montrez bien, Printemps gracieux

    Montrez bien, Printemps gracieux,
    De quel métier vous savez vous servir,
    Car Hiver se fait seul ennuyeux,
    Et vous le faites réjouir.
    Aussitôt qu'il vous voit venir,
    Lui et sa méchante retenue
    Sont contraints et prêt de fuir
    À votre joyeuse venue.

    Hiver rend champs et arbres vieux,
    Leurs barbes de neige blanchir,
    Et est si froid, sale et pluvieux
    Qu'après le feu vient croupir ;
    On ne peut hors des toits sortir
    Comme un oiseau qui se mue.
    Mais vous faites tout rajeunir
    À votre joyeuse venue.

    Hiver fuit le soleil dans les cieux
    Du manteau des nues couvrir ;
    Or maintenant, loué soit Dieux,
    Vous êtes venu éclaircir
    Toutes choses à embellir.
    Hiver a sa peine perdue,
    Car l'an nouveau l'a fait bannir
    À votre joyeuse venue.

    Charles d'Orléans ("Rondeaux")



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    Spectacle rassurant

    Tout est lumière, tout est joie.
    L'araignée au pied diligent
    Attache aux tulipes de soie
    Les rondes dentelles d'argent.

    La frissonnante libellule
    Mire les globes de ses yeux
    Dans l'étang splendide où pullule
    Tout un monde mystérieux.

    La rose semble, rajeunie,
    S'accoupler au bouton vermeil
    L'oiseau chante plein d'harmonie
    Dans les rameaux pleins de soleil.

    Sous les bois, où tout bruit s'émousse,
    Le faon craintif joue en rêvant :
    Dans les verts écrins de la mousse,
    Luit le scarabée, or vivant.

    La lune au jour est tiède et pâle
    Comme un joyeux convalescent ;
    Tendre, elle ouvre ses yeux d'opale
    D'où la douceur du ciel descend !

    Tout vit et se pose avec grâce,
    Le rayon sur le seuil ouvert,
    L'ombre qui fuit sur l'eau qui passe,
    Le ciel bleu sur le coteau vert !

    La plaine brille, heureuse et pure;
    Le bois jase ; l'herbe fleurit.
    - Homme ! ne crains rien ! la nature
    Sait le grand secret, et sourit.

    Victor Hugo ("Les Rayons et les Ombres", 1840)


     

     

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  • Le printemps d'Émile Goudeau

    Pour hâter le retour du Printemps*

    Voici revenir le Printemps,
    Qui chasse les Frimas moroses.
    J’ouvre mon cœur à deux battants
    Au Roi-Soleil, père des Roses.
    Je guette l’horizon vermeil,
    Et faites-y de longues pauses,
    Mon beau Soleil !

    Déjà les oiseaux querelleurs
    Sur les rameaux boivent les sèves.
    Écoutons les merles siffleurs !
    Les forêts s’emplissent de rêves.
    Je veux me mettre à l’unisson:
    Entrez chez moi, jeune Chanson ;
    Faites sonner les heures brèves,
    Douce Chanson !

    Déjà fleurissent les lilas
    En lourdes grappes violettes.
    Les charmeuses à falbalas
    Jettent au zéphyr leurs voilettes :
    Prenez le chemin le plus court,
    Entrez chez moi, Seigneur Amour,
    Rois des femmes et des athlètes,
    Ô bel Amour !

    Émile Goudeau (1849-1906) 


     

     

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