• Deux vers d’Alcée
    « Je veux dire quelque chose
    mais la honte me retient »
    (Alcée,éd. Bergk)

    Quel était ton désir et ta crainte secrète ?
    Quoi ! le vœu de ton cœur, ta Muse trop discrète
    Rougit-elle de l’exprimer ?
    Alcée, on reconnaît l’amour à ce langage.
    Sapho feint vainement que ton discours l’outrage,
    Sapho sait que tu vas l’aimer.

    Tu l’entendais, tu la voyais sourire,
    La fille de Lesbos, Sapho qui sur sa lyre
    Répandit sa grâce et ses feux.
    Sa voix te trouble, Alcée, et son regard s’enflamme ;
    Tandis que ses accents pénétraient dans ton âme,
    Sa beauté ravissait tes yeux.

    Que devint ton amour ? L’heure qui le vit naître
    L’a-t-elle vu mourir ? Vénus ailleurs peut-être
    Emporta tes vœux fugitifs.
    Mais le parfum du cœur jamais ne s’évapore ;
    Même après deux mille ans je le respire encore
    Dans deux vers émus et craintifs.

    Louise Ackermann, Premières Poésies, 1871

     

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  • 8 MAI 1 FAIT

     

    8 mai 1945 : un poème pour se souvenir...

    Mes compagnons, c’est moi ; mes bonnes gens de guerre,
    C’est votre Chef d’hier qui vient parler ici
    De ce qu’on ne sait pas, ou que l’on ne sait guère ;
    Mes Morts, je vous salue et je vous dis : Merci.

    Il serait temps qu’en France on se prît de vergogne
    A connaître aussi mal la vieille Légion
    De qui, pour l’avoir vue à sa rude besogne
    J’ai la très grande amour et la religion.

    Or, écoutez ceci : « Déserteurs ! Mercenaires ! »
    « Ramassis d’étrangers sans honneur et sans foi ! »
    C’est de vous qu’il s’agit, de vous, Légionnaires !
    Ayez-en le cœur net, et demandez pourquoi ?

    Sans honneur ? Ah ! passons ! Et sans foi ? Qu’est-ce à dire,
    Que fallait-il de plus et qu’aurait-on voulu ?
    N’avez-vous pas tenu, tenu jusqu’au martyre,
    La parole donnée et le marché conclu ?

    Mercenaires ? sans doute : il faut manger pour vivre ;
    Déserteurs ? Est-ce à nous de faire ce procès ?
    Étrangers ? Soit. Après ? Selon quel nouveau livre
    Le maréchal de Saxe était-il donc Français ?

    Et quand donc les Français voudront-ils bien entendre
    Que la guerre se fait dent pour dent, œil pour œil
    Et que des Étrangers qui sont morts, à tout prendre,
    Chaque fois, en mourant, leur épargnaient un deuil.

    Aussi bien c’est assez d’inutile colère,
    Vous n’avez pas besoin d’être tant défendus ;
    Voici le Fleuve Rouge et la Rivière Claire
    Et je parle à vous seuls de vous que j’ai perdus !

    Jamais garde de Roi, d’Empereur, d’Autocrate,
    De Pape ou de Sultan, jamais nul Régiment
    Chamarré d’or, drapé d’azur ou d’écarlate,
    N’allez d’un air plus mâle et plus superbement.

    Vous aviez des bras forts et des tailles bien prises,
    Qui faisaient mieux valoir vos hardes en lambeaux ;
    Et je rajeunissais à voir vos barbes grises,
    Et je tressaillais d’aise à vous trouver si beaux.

    Votre allure était simple et jamais théâtrale ;
    Mais, le moment venu, ce qu’il eût fallu voir,
    C’était votre façon hautaine et magistrale
    D’aborder le « Céleste » ou de le recevoir.

    On fait des songes fous, parfois, quand on chemine,
    Et je me surprenais en moi-même à penser,
    Devant ce style à part et cette grand mine
    Par où nous pourrions bien ne pas pouvoir passer ?

    J’étais si sûr de vous ! Et puis, s’il faut tout dire,
    Nous nous étions compris : aussi de temps en temps,
    Quand je vous regardais vous aviez un sourire,
    Et moi je souriais de vous sentir contents.

    Vous aimiez, troupe rude et sans pédanterie,
    Les hommes de plein air et non les professeurs ;
    Et l’on mettait, mon Dieu, de la coquetterie
    A faire de son mieux, vous sachant connaisseurs.

    Mais vous disiez alors : « La chose nous regarde,
    Nous nous passerons bien d’exemples superflus ;
    Ordonnez seulement, et prenez un peu garde,
    On vous attend … et nous on ne nous attend plus ! »

    Et je voyais glisser sous votre front austère
    Comme un clin d’œil ami doucement aiguisé,
    Car vous aviez souvent épié le mystère
    D’une lettre relue ou d’un portait baisé.

    N’ayant à vous ni nom, ni foyer, ni Patrie
    Rien où mettre l’orgueil de votre sang versé,
    Humble renoncement, pure chevalerie,
    C’était dans votre chef que vous l’aviez placé.

    Anonymes héros, nonchalants d’espérance,
    Vous vouliez, n’est-ce pas, qu’à l’heure du retour,
    Quand il mettrait le pied sur la terre de France,
    Ayant un brin de gloire, il eût un peu d’amour.

    Quant à savoir si tout s’est passé de la sorte,
    Et si vous n’êtes pas restés pour rien là-bas,
    Si vous n’êtes pas morts pour une chose morte,
    O mes pauvres amis, ne le demandez pas !

    Dormez dans la grandeur de votre sacrifice,
    Dormez que nul regret ne vienne vous hanter ;
    Dormez dans cette paix large et libératrice
    Où ma pensée en deuil ira vous visiter !

    Je sais où retrouver, à la suprême étape
    Tous ceux dont la grande herbe a bu le sang vermeil,
    Et tous ceux qu’ont engloutis les pièges de la sape,
    Et tous ceux qu’ont dévorés la fièvre et le soleil ;

    Et ma pitié fidèle, au souvenir unie,
    Va du vieux Wunderli qui tomba le premier
    Et suivant une longue et rouge litanie
    Jusqu’à toi, mon Streibler, qu’on tua le dernier !

    D’ici je vous revois, rangés à fleur de terre
    Dans la fosse hâtive où je vous ai laissés,
    Rigides, revêtus de vos habits de guerre
    Et d’étranges linceuls faits de roseaux tressés.

    Les survivants ont dit – et j’ai servi de prêtre !
    L’adieu du camarade à votre corps meurtri ;
    Certain geste fut fait bien gauchement peut-être,
    Pourtant je ne crois pas que personne en ait ri !

    Mais quelqu’un vous prenait dans sa gloire étoilée
    Et vous montrait d’en haut ceux qui priaient en bas,
    Quand je disais pour tous, d’une voix étranglée,
    Le Pater et l’Ave – que tous ne savaient pas !

    Compagnons, j’ai voulu vous parler de ces choses,
    Et dire en quatre mots pourquoi je vous aimais :
    Lorsque l’oubli se creuse au long des tombes closes,
    Je veillerai du moins et n’oublierai jamais.

    Si parfois, dans la jungle où le tigre vous frôle
    Et que n’ébranle plus le recul du canon,
    Il vous semble qu’un doigt se pose à votre épaule,
    Si vous croyez entendre appeler votre nom.

    Soldats qui reposez sous la terre lointaine,
    Et dont le sang me laisse des remords,
    Dites-vous simplement : « C’est notre Capitaine
    Qui se souvient se nous … et qui compte ses Morts. »


    Capitaine de Borelli, officier de la Légion : « A mes hommes qui sont morts, et particulièrement à la mémoire de Tiebald Streibler, qui m’a donné sa vie le 3 mars 1885 ».

    8 MAI 1 FAIT

     
    À tous les Français » : l'affiche de Londres | Histoire et analyse ...

      De l’appel du 18 juin au premier bulletin officiel des F.F.L.

    Le 18 juin 1940, Charles de Gaulle prononce à Londres un discours radiophonique où il exhorte ses compatriotes à poursuivre le combat contre l’Allemagne nazie, inscrivant ce dernier dans un contexte de guerre mondialisée. Alors que le célèbre Appel diffusé sur les ondes de la BBC est peu entendu sur le moment, il est publié dans la presse française (Le Petit Marseillais, Le Petit Provençal, Le Progrès) le lendemain, puis repris ultérieurement par les radios et journaux étrangers.

    Si elle reprend les mêmes arguments et répète certaines formules de cette déclaration, l’affiche « A tous les Français » en est cependant une version différente. Suivant l’Appel, elle est d’abord tirée à 1 000 exemplaires dans la seconde quinzaine de juillet, puis placardée sur les murs de Londres et des grandes villes britanniques les 3 et 4 août. L’affiche est ensuite publiée (à côté du texte de l’Appel proprement dit) en première page du premier et unique numéro du Bulletin officiel des Forces françaises libres qui paraît le 15 août 1940.

    Édité à environ 10 000 exemplaires, le document étudié ici est surtout diffusé parmi les Français de Londres. Il joue cependant un rôle symbolique et politique très fort dans le contexte d’émergence, de structuration et d’organisation de la Résistance, en Angleterre comme en France

     

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  • KIT PRINTEMPS 19

    KIT PRINTEMPS 19

    Daphné
    Lorsque le dieu du jour, plein d’amoureuse audace,
    Dédaignant tout à coup l’Olympe et ses plaisirs,
    Sans char, la lyre en main, s’élançait sur la trace
    De la nymphe de ses désirs,

    Celle-ci, jusqu’au bout insensible et rétive,
    Le laissa s’égarer en des sentiers ingrats ;
    Puis, quand il la saisit, la jeune fugitive
    Se change en laurier dans ses bras.

    Un sort pareil attend ici-bas le génie :
    En l’Idéal qui fuit l’artiste a mis sa foi.
    Heureux qui voit de loin, dans l’arène infinie,
    Courir son rêve devant soi !

    Car il faut, d’un élan qu’aucun refus n’arrête,
    Poursuivre aussi Daphné, quand ce serait en vain,
    Pour sentir à son tour s’agiter sur sa tête
    Les rameaux du laurier divin.

    Louise Ackermann, Premières Poésies, 1871

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