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Par sylvie erwan le 10 Octobre 2020 à 08:30
Hymne à Vénus
Vénus, ô volupté des mortels et des dieux !
Âme de tout ce qui respire,
Tu gouvernes la terre, et les mers, et les cieux ;
Tout l’univers reconnaît ton empire !
Des êtres différents les germes précieux,
Qui dorment dispersés sous la terre ou dans l’onde,
Rassemblés à ta voix féconde,
Courent former les corps que tu veux enfanter.
Les mondes lumineux roulent d’un cours paisible,
L’un vers l’autre attirés, unis sans se heurter,
Par ton influence invisible !
Tu parais, ton aspect embellit l’univers :
Je vois fuir devant toi les vents et les tempêtes ;
L’azur éclate sur nos têtes ;
Un jour pur et divin se répand dans les airs.
L’onde avec volupté caresse le rivage ;
Les oiseaux, palpitants sous leur toit de feuillage,
Célèbrent leurs plaisirs par de tendres concerts.
Des gouffres de Thétis tous les monstres informes
Font bouillonner les flots amers
Des élans amoureux de leurs masses énormes.
Les papillons légers se cherchent sous les fleurs,
Et par un doux hymen confondent leurs couleurs.
L’aigle suit dans les cieux sa compagne superbe :
Les serpens en sifflant s’entrelacent sous l’herbe :
Le tigre, dévoré d’une indomptable ardeur,
Terrible, l’œil sanglant et la gueule écumante,
Contemple, en rugissant d’amour et de fureur,
La sauvage beauté de son horrible amante.
Tout ressent de Vénus la puissante chaleur ;
Tout produit : les vallons, les fleuves, les montagnes :
La rose se parfume et le chêne verdit ;
Au fond de l’Océan la perle s’arrondit,
Et les palmiers en fleurs fécondent leurs compagnes.
Cependant les sylvains, brûlés des mêmes feux,
Pressent la nymphe palpitante
Qui tremble dans leurs bras nerveux
Et de désir et d’épouvante ! …
La déesse sourit aux mortels enchantés :
Elle entend s’élever du milieu des cités,
De l’épaisseur des bois, du sein des mers profondes,
Un murmure confus de cent bruits amoureux,
Et ce concert voluptueux
Est l’hommage éternel des êtres et des mondes.
Casimir Delavigne
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Par sylvie erwan le 3 Octobre 2020 à 07:55
Épilogue
A vous, puissants du monde, à vous, rois de la terre,
Qui tenez dans vos mains et la paix et la guerre,
À vous de décider si lassés de souffrir,
Les grecs ont pris le fer pour vaincre ou pour mourir :
Si du Tage au Volga, de la Tamise au Tibre,
L’Europe désormais doit être esclave ou libre.
Libre, elle bénira votre auguste équité ;
Non qu’elle offre ses vœux à cette liberté
Qui des plus saintes lois s’affranchit par le glaive,
Marche sans but, sans frein, sur des débris s’élève,
Triomphe dans le trouble, et, vantant ses bienfaits,
Pour un abus détruit enfante cent forfaits.
La sage liberté qu’elle attend, qu’elle implore,
Qui préside à mes chants, que tout grand peuple adore,
Par le bonheur public affermit les états ;
Créant des citoyens, elle fait des soldats,
Enchaîne la licence, abat la tyrannie,
Des pouvoirs balancés entretient l’harmonie,
Réunit les sujets sous le sceptre des rois,
Rapproche tous les rangs, garantit tous les droits,
Et, favorable à tous, de son ombre éternelle
Couvre jusqu’aux ingrats qui conspirent contre elle !
Ainsi le chêne épais reçoit sous ses rameaux,
Défend des feux du jour ces immondes troupeaux
Qui, cherchant à ses pieds leur sauvage pâture,
Des gazons soulevés flétrissent la verdure,
Insultent vainement dans ses profonds appuis
Ce tronc qui leur prodigue et son ombre et ses fruits,
Et les écraserait de ses vastes ruines,
S’ils pouvaient de la terre arracher ses racines.
Casimir Delavigne, Les Messéniennes, Livre II (1835)
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Par sylvie erwan le 26 Septembre 2020 à 07:35
Du besoin de s’unir après le départ des étrangers
Ô toi que l’univers adore,
Ô toi que maudit l’univers,
Fortune, dont la main, du couchant à l’aurore,
Dispense les lauriers, les sceptres et les fers,
Ton aveugle courroux nous garde-t-il encore
Des triomphes et des revers?
Nos malheurs trop fameux proclament ta puissance;
Tes jeux furent sanglants dans notre belle France;
Le peuple mieux instruit, mais trop fier de ses droits,
Sur les débris du trône établit son empire,
Poussa la liberté jusqu’au mépris des lois,
Et la raison jusqu’au délire.
Bientôt au premier rang porté par ses exploits,
Un roi nouveau brisa d’un sceptre despotique
Les faisceaux de la république,
Tout dégoutants du sang des rois.
Pour affermir son trône, il lassa la victoire,
D’un peuple généreux prodigua la valeur;
L’Europe qu’il bravait a fléchi sous sa gloire;
Elle insulte à notre malheur.
C’est qu’ils ne vivent plus que dans notre mémoire
Ces guerriers dont le nord a moissonné la fleur.
O désastre! O pitié! Jour à jamais célèbre,
Où ce cri s’éleva dans la patrie en deuil;
Ils sont morts, et Moscow fut le flambeau funèbre
Qui prêta ses clartés à leur vaste cercueil.
Ces règnes d’un moment, et les chutes soudaines
De ces trônes d’un jour l’un sur l’autre croulants,
Ont laissé des levains de discorde et de haines
Dans nos esprits plus turbulents.
Cessant de comprimer la fièvre qui l’agite,
Le fier républicain, sourd aux leçons du temps,
Appelle avec fureur, dans ses rêves ardents,
Une liberté sans limite;
Mais cette liberté fut féconde en forfaits;
Cet océan trompeur, qui n’a point de rivages,
N’est connu jusqu’à nous que par de grands naufrages
Dans les annales des Français.
<< Que nos maux, direz-vous, nous soient du moins utiles; Opposons une digue aux tempêtes civiles; Que deux pouvoirs rivaux, l’un émané des rois, L’autre sorti du peuple et garant de ses droits, Libres et dépendants, offrent au rang suprême Un rempart contre nous, un frein contre lui-même. >>
Vainement la raison vous dicte ces discours;
L’égoïsme et l’orgueil sont aveugles et sourds;
Cet amant du passé, que le présent irrite,
Jaloux de voir ses rois d’entraves dégagés,
Le front baissé, se précipite
Sous la verge des préjugés.
Quoi! Toujours des partis proclamés légitimes,
Tant qu’ils règnent sur nos débris,
L’un par l’autre abattus, proscrivant ou proscrits,
Tour à tour tyrans ou victimes!
Empire malheureux! Voilà donc ton destin! …
Français, ne dites plus : << La France nous est chère; >>
Elle désavoûrait votre amour inhumain.
Cessez, enfants ingrats, d’embrasser votre mère,
Pour vous étouffer dans son sein.
Contre ses ennemis tournez votre courage;
Au conseil des vainqueurs son sort est agité;
Ces rois qui l’encensaient fiers de leur esclavage,
Vont lui vendre la liberté.
Non, ce n’est pas en vain que sa voix nous appelle;
Et, s’ils ont prétendu, par d’infâmes traités,
Imprimer sur nos fronts une tache éternelle;
Si de leur doigt superbe ils marquent les cités
Que veut se partager une ligue infidèle;
Si la foi des serments n’est qu’un garant trompeur;
Si, le glaive à la main, l’iniquité l’emporte;
Si la France n’est plus, si la patrie est morte,
Mourons tous avec elle, ou rendons-lui l’honneur.
Qu’entends-je? Et d’où vient cette ivresse
Qui semble croître dans son cours?
Quels chants, quels transports d’allégresse!
Quel bruyant et nombreux concours!
De nos soldats la foule au loin se presse;
D’une nouvelle ardeur leurs yeux sont embrasés;
Plus d’anglais parmi nous! Plus de joug! Plus d’entraves!
Levez plus fièrement vos fronts cicatrisés…
Oui, l’étranger s’éloigne; oui, vos fers sont brisés;
Soldats, vous n’êtes plus esclaves!
Reprends ton orgueil,
Ma noble patrie;
Quitte enfin ton deuil,
Liberté chérie;
Liberté, patrie,
Sortez du cercueil!
D’un vainqueur insolent méprisons les injures;
Riches des étendards conquis sur nos rivaux,
Nous pouvons à leurs yeux dérober nos blessures
En les cachant sous leurs drapeaux.
Voulons-nous enchaîner leurs fureurs impuissantes?
Soyons unis, français; nous ne les verrons plus
Nous dicter d’Albion les décrets absolus,
Arborer sur nos tours ses couleurs menaçantes.
Nous ne les verrons plus, le front ceint de lauriers,
Troublant de leur aspect les fêtes du génie,
Chez Melpomène et Polymnie
Usurper une place où siégeaient nos guerriers.
Nous ne les verrons plus nous accorder par grâce
Une part des trésors flottants sur nos sillons.
Soyons unis; jamais leurs bataillons
De nos champs envahis ne couvriront la face;
La France dans son sein ne les peut endurer,
Et ne les recevrait que pour les dévorer.
Ah! Ne l’oublions pas; naguère, dans ces plaines
Où le sort nous abandonna,
Nous n’avions pas porté des armes moins romaines
Qu’aux champs de Rivoli, de Fleurus, d’Iéna;
Mais nos divisions nous y forgeaient des chaînes.
Effrayante leçon qui doit unir nos coeurs
Par des liens indestructibles;
Le courage fait des vainqueurs;
La concorde, des invincibles.
Henri, divin Henri, toi qui fus grand et bon,
Qui chassas l’espagnol et finis nos misères,
Les partis sont d’accord en prononçant ton nom;
Henri, de tes enfants fais un peuple de frères.
Ton image déjà semble nous protéger,
Tu renais; avec toi renaît l’indépendance;
Ô roi le plus français dont s’honore la France,
Il est dans ton destin de voir fuir l’étranger!
Et toi, son digne fils, après vingt ans d’orage,
Règne sur des sujets par toi-même ennoblis.
Leurs droits sont consacrés dans ton plus bel ouvrage.
Oui, ce grand monument, affermi d’âge en âge,
Doit couvrir de son ombre et le peuple et les lis.
Il est des opprimés l’asile impérissable,
La terreur du tyran, du ministre coupable,
Le temple de nos libertés.
Que la France prospère en tes mains magnanimes,
Que tes jours soient sereins, tes décrets respectés,
Toi, qui proclames ces maximes;
Ô rois, pour commander, obéissez aux lois;
Peuple, en obéissant, sois libre sous tes rois!
Casimir Delavigne (1793-1843), Les Messéniennes, Livre I (1835)
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