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Par sylvie erwan le 9 Mars 2024 à 08:12
Amour angélique
Oh ! l’amour ! dit-elle, — et sa voix tremblait et son oeil rayon-
nait, — c’est être deux et n’être qu’un. Un homme et une femme
qui se fondent en un ange, c’est le ciel.
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, liv.II,chap.VII.
L’ange aimé qu’ici-bas je révère et je prie
Est une enfant voilée avec ses longs cheveux,
A qui le ciel, pour qu’elle nous sourie,
A donné le regard de la vierge Marie.
Ame que l’azur expatrie
Pour qu’elle recueille nos voeux,
Jeune âme limpide et fleurie
Comme les fleurs de la prairie
Aux calices roses ou bleus!
Comme l’autre Éloa, c’est la soeur des archanges,
Qui pour nous faire vivre aux mystiques amours,
A quitté les blondes phalanges
Et souille ses pieds blancs à parcourir nos fanges.
Aussi nos ferveurs sont étranges:
Ce sont des rêves sans détours,
Ce sont des plaisirs sans mélanges,
Des extases et des échanges
Qui dureront plus que les jours!
C’est un chemin frayé plein d’une douce joie,
Un vase de parfums, une coupe de miel,
Un météore qui flamboie
Comme un beau chérubin dans sa robe de soie.
Il ne craint pas que Dieu le voie:
C’est un amour pur et sans fiel
Où toute notre âme se noie
Et dont l’aile ne se déploie
Que pour s’élancer vers le ciel!
Juin 1842.
Théodore de Banville, Les Cariatides (1843)
2 commentaires -
Par sylvie erwan le 24 Février 2024 à 07:55
À Madame ***
Madame, croyez-moi ; bien qu’une autre patrie
Vous ait ravie à ceux qui vous ont tant chérie,
Allez, consolez-vous, ne pleurez point ainsi ;
Votre corps est là-bas, mais votre âme est ici :
C’est la moindre moitié que l’exil nous a prise ;
La tige s’est rompue au souffle de la brise ;
Mais l’ouragan jaloux, qui ternit sa splendeur,
Jeta la fleur au vent et nous laissa l’odeur.
A moins, à moins pourtant que dans cette retraite
Vous n’ayez apporté quelque peine secrète.
Et que là, comme ici, quelque ennui voyageur
Se cramponne à votre âme, inflexible et rongeur :
Car bien souvent, un mot, un geste involontaire.
Des maux que vous souffrez a trahi le mystère,
Et j’ai vu sous ces pleurs et cet abattement
La blessure d’un cœur qui saigne longuement.
Vous avez épuisé tout ce que la nature
A permis de bonheur à l’humble créature,
Et votre pauvre cœur, lentement consumé,
S’est fait vieux en un jour, pour avoir trop aimé :
Vous seule, n’est-ce pas, vous êtes demeurée
Fidèle à cet amour que deux avaient juré.
Et seule, jusqu’au bout, avez pieusement
Accompli votre part de ce double serment.
Consolez-vous encor ; car vous avez. Madame,
Achevé saintement votre rôle de femme ;
Vous avez ici-bas rempli la mission
Faite à l’être créé par la création.
Aimer, et puis souffrir, voilà toute la vie :
Dieu vous donna longtemps des jours dignes d’envie
Aujourd’hui, c’est la loi. vous payez chèrement
Par des larmes sans fin ce bonheur d’un moment.
Certes, tant de chagrins, et tant de nuits passées
A couver tristement de lugubres pensées.
Tant et de si longs pleurs n’ont pas si bien éteint
Les éclairs de vos yeux et pâli votre teint.
Que mainte ambition ne se fût contentée,
Madame, de la part qui vous en est restée.
Et que plus d’un encor n’y laissât sa raison.
Ainsi qu’aux églantiers l’agneau fait sa toison.
Mais votre âme est plus haute, et ne s’arrange guère
Des consolations d’un bonheur si vulgaire ;
Madame, ce n’est point un vase où, tour à tour,
Chacun puisse étancher la soif de son amour ;
Mais Dieu la fit semblable à la coupe choisie,
Dans les plus purs cristaux des rochers de l’Asie,
Où l’on verse au sultan le Chypre et le Xérès,
Qui ne sert qu’une fois, et qui se brise après.
Gardez-la donc toujours cette triste pensée
D’un amour méconnu et d’une âme froissée :
Que le prêtre debout, sur l’autel aboli,
Reste fidèle au Dieu dont il était rempli ;
Que le temple désert, aux vitraux de l’enceinte
Garde un dernier rayon de l’auréole sainte.
Et que l’encensoir d’or ne cesse d’exhaler
Le parfum d’un encens qui cessa de brûler !
Il n’est si triste nuit qu’au crêpe de son voile
Dieu ne fasse parfois luire une blanche étoile,
Et le ciel mit au fond des amours malheureux
Certains bonheurs cachés qu’il a gardés pour eux.
Supportez donc vos maux, car plus d’un les envie ;
Car, moi qui parle, au prix du repos de ma vie.
Au prix de tout mon sang. Madame, je voudrais
Les éprouver un jour, quitte à mourir après.
Félix Arvers, Mes heures perdues, 1833
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Par sylvie erwan le 13 Janvier 2024 à 08:10
Nos vieux
Ils ont dans le regard, les yeux chargés d’histoire.
Nos vieux sans le vouloir,
Ils sont notre mémoire.
Ils ne se plaignent pas,
Ils en ont trop connu.
Ils revivent en silence tout
ce qu’ils ont vécu.
Les vieux eux ont connu,
parfois plusieurs guerres.
S’ils en ont survécu,
il fallait tout refaire.
Un à un sont partis,
les êtres les plus chers.
Un vieux à moins d’amis,
après qu’il les enterre.
Ils ont connu le temps
où l’on prenait le temps,
Le temps de se parler
le dimanche après messe.
Pas besoin de tout croire
c’était juste une adresse.
Où l’on prenait le temps d’être ensemble un moment.
Ils ont connu l’époque
où le plus important.
C’était de réparer
ce qui c’était cassé.
Quand ils se sont mariés
ils se l’étaient jurés.
Même dans la tempête ne pas s’abandonner.
Nos vieux s’ils s’aiment encore, c’est beaucoup de tendresse.
C’est une main sur la joue q
ui se pose en caresse.
Ils ont dans le regard,
les mots qu’on ne dit pas.
Le vide qu’il y aura quand l’autre …s’en ira.
Un vieux c’est merveilleux,
si on le laisse dire.
On voit briller ses yeux,
de tous ses souvenirs.
Il a croqué la vie,
la regarde aujourd’hui.
Mais nous transmet
aussi ce qu’il en a appris.
Souvent ils râlent c’est vrai,
parfois sont incompris.
Pourtant ça ne coûte rien,
une porte que l’on tient.
Un vieux ça pleure aussi,
de trop de solitude .
Avec des lendemains,
remplis d’incertitudes.
Pourtant c’est beau un vieux, quand on passe le voir.
Il y a dans son regard
tellement de choses à voir.
Nos vieux c’est le passé, c’est aussi l’avenir.
...Il n’ faut pas oublier… qu’un jour on va vieillir..
~Pascal Auteur
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