• À Gianetta

    PRINTEMPS 8

    PRINTEMPS 8

    À Gianetta
    Près des ruisseaux, près des cascades,
    Dans les champs d’oliviers fleuris,
    Sur les rochers, sous les arcades
    Dont le temps sape les débris,
    Sous les murs du vieux monastère.
    Dans le bois qu’aime le mystère,
    Sous l’ombre du pin solitaire,
    Sous le platane aux frais abris ;

    A l’heure où, sous l’humble chaumière.
    Le chevrier prend son repas,
    A l’heure où brille la lumière,
    A l’heure où le jour ne luit pas ;
    L’été, quand sous le vert ombrage
    Tu viens t’asseoir après l’ouvrage :
    L’hiver, par le froid, par l’orage ;
    Toujours, partout, je suis tes pas.

    Lorsque les cloches argentines
    Réveillent l’oiseau dans son nid,
    C’est moi qui te suis à matines :
    Et quand la prière finit.
    Au sortir du temple gothique,
    C’est moi qui vais sous le portique
    T’offrir, suivant l’usage antique.
    L’eau sainte et le rameau bénit.

    Quand, vers la fin de la journée,
    Tu vas près du saint tribunal,
    Devant l’ermite prosternée.
    Incliner ton front virginal,
    C’est moi qui d’un air humble et tendre.
    Quand l’Angélus s’est fait entendre,
    Esclave assidu, vais t’attendre
    Auprès du confessionnal.

    Viens, je te dirai le cantique
    Que je suis allé, ce matin.
    Choisir pour toi dans la boutique
    D’un colporteur napolitain,
    Et contre la dent meurtrière
    Des loups errants dans la clairière,
    Je t’apprendrai quelle prière
    Il faut réciter en latin.

    Je mettrai dans ton oratoire
    Un missel à fermoirs dorés,
    Où des moines ont peint l’histoire
    De nos anciens livres sacrés ;
    Des apôtres les douze images,
    La bonne Vierge, et les trois Mages
    Au Christ apportant leurs hommages,
    Et baisant ses pieds adorés.

    Oh, regarde-moi sans colère !
    Promets-moi que tu m’aimeras :
    Ne me défends pas de te plaire,
    Laisse-toi serrer dans mes bras !
    Que cette froideur t’abandonne ;
    A péché secret Dieu pardonne,
    Et je mettrai sur ta madone
    Le voile que tu quitteras.

    Félix Arvers, Mes heures perdues, 1833

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