• Kit 5

    Kit 5


    Soir d’hiver

    Ah ! comme la neige a neigé !
    Ma vitre est un jardin de givre.
    Ah ! comme la neige a neigé !
    Qu’est-ce que le spasme de vivre
    À la douleur que j’ai, que j’ai !

    Tous les étangs gisent gelés,
    Mon âme est noire : Où vis-je ? Où vais-je ?
    Tous ses espoirs gisent gelés :
    Je suis la nouvelle Norvège
    D’où les blonds ciels s’en sont allés.

    Pleurez, oiseaux de février,
    Au sinistre frisson des choses,
    Pleurez, oiseaux de février,
    Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
    Aux branches du genévrier.

    Ah ! comme la neige a neigé !
    Ma vitre est un jardin de givre.
    Ah ! comme la neige a neigé !
    Qu’est-ce que le spasme de vivre
    À tout l’ennui que j’ai, que j’ai !…

    Emile Nelligan
    Œuvres poétiques complètes I : Poésies complètes 1896-1941

    Sylvie Erwan 

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  • Kit 4

    Kit 4


    Solstice d’hiver

    je me souviens

    c’était le solstice d’hiver, et la mer était haute,
    et sombre la lumière
    je me souviens des vagues s’enroulant sur la jetée,
    et des oiseaux de nuit
    de longs cheveux de varechs noirs, d’écumes grises
    et de l’horizon rouge
    je me souviens des couleurs de la nuit.

    Dans une brasserie de front de mer, au plus intime
    de la grande salle,
    ayant trouvé refuge, et heureux,
    je me souviens, et c’est le solstice d’hiver.

    Viennent alors sur nous de grands nuages, depuis les golfes cantabriques,
    la mer se met à crépiter

    je prends dans mes mains ton visage, et je te dis :
    « tu es heureuse »
    tu souris.

    Villebramar, décembre 2018
     

    Sylvie Erwan 

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  • Kit 1

    Kit 1


    Un village

    Des murs crépis, de pauvres toits,
    Un pont, un chemin de halage,
    Et le moulin qui fait sa croix
    De haut en bas, sur le village.

    Les appentis et les maisons
    S’échouent, ainsi que choses mortes.
    Le filet dort : et les poissons
    Sèchent, pendus au seuil des portes.

    Un chien sursaute en longs abois ;
    Des cris passent, lourds et funèbres ;
    Le menuisier coupe son bois,
    Presque à tâtons, dans les ténèbres.

    Tous les métiers à bruit discord
    Se sont lassés l’un après l’autre
    Derrière un mur, marmonne encor
    Un dernier bruit de patenôtres.

    Une pauvresse aux longues mains,
    Du bout de son bâton tâtonne
    De seuil en seuil, par les chemins ;
    Le soir se fait et c’est l’automne.

    Et puis viendra l’hiver osseux,
    Le maigre hiver expiatoire,
    Où les gens sont plus malchanceux
    Que les âmes en purgatoire.

    Emile Verhaeren, Toute la Flandre

    Sylvie Erwan 

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