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Par sylvie erwan le 24 Août 2019 à 07:55
Dans le jardin
La jeune dame qui marche sur la pelouse
Devant l’été paré de pommes et d’appas,
Quand des heures Midi comblé jette les douze,
Dans cette plénitude arrêtant ses beaux pas,A dit un jour, tragique abandonnée – épouse –
A la Mort séduisant son Poëte : « Trépas !
Tu mens. Ô vain climat nul ! je me sais jalouse
Du faux Éden que, triste, il n’habitera pas. »Voilà pourquoi les fleurs profondes de la terre
L’aiment avec silence et savoir et mystère,
Tandis que dans leur coeur songe le pur pollen :Et lui, lorsque la brise, ivre de ces délices,
Suspend encore un nom qui ravit les calices,
A voix faible, parfois, appelle bas : Ellen !Stéphane Mallarmé
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Par sylvie erwan le 17 Août 2019 à 07:40
Far-niente
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au bord des bois touffus où la chaleur s’émousse.
Là, pour tuer le temps, j’observe la fourmi
Qui, pensant au retour de l’hiver ennemi,
Pour son grenier dérobe un grain d’orge à la gerbe,
Le puceron qui grimpe et se pend au brin d’herbe,
La chenille traînant ses anneaux veloutés,
La limace baveuse aux sillons argentés,
Et le frais papillon qui de fleurs en fleurs vole.
Ensuite je regarde, amusement frivole,
La lumière brisant dans chacun de mes cils,
Palissade opposée à ses rayons subtils,
Les sept couleurs du prisme, ou le duvet qui flotte
En l’air, comme sur l’onde un vaisseau sans pilote ;
Et lorsque je suis las je me laisse endormir,
Au murmure de l’eau qu’un caillou fait gémir,
Ou j’écoute chanter près de moi la fauvette,
Et là-haut dans l’azur gazouiller l’alouette.Théophile Gautier, Premières Poésies
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Par sylvie erwan le 10 Août 2019 à 07:50
1909
La dame avait une robe
En ottoman violine
Et sa tunique brodée d’or
Était composée de deux panneaux
S’attachant sur l’épauleLes yeux dansants comme des anges
Elle riait elle riait
Elle avait un visage aux couleurs de France
Les yeux bleus les dents blanches et les lèvres très rouges
Elle avait un visage aux couleurs de FranceElle était décolletée en rond
Et coiffée à la Récamier
Avec de beaux bras nusN’entendra-t-on jamais sonner minuit
La dame en robe d’ottoman violine
Et en tunique brodée d’or
Décolletée en rond
Promenait ses boucles
Son bandeau d’or
Et traînait ses petits souliers à bouclesElle était si belle
Que tu n’aurais pas osé l’aimerJ’aimais les femmes atroces dans les quartiers énormes
Où naissaient chaque jour quelques êtres nouveaux
Le fer était leur sang la flamme leur cerveauJ’aimais j’aimais le peuple habile des machines
Le luxe et la beauté ne sont que son écume
Cette femme était si belle
Qu’elle me faisait peurGuillaume Apollinaire, Alcools, 1913
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