• Terre de France

    Oui, partout elle est bonne et partout elle est belle,
    Notre terre de France aux mille aspects divers !
    Belle sur les sommets où trônent les hivers,
    Et dans la lande fauve à l’araire rebelle,
    Belle au bord des flots bleus, belle au fond des bois verts !

    Belle et bonne aux coteaux où la vigne s’accroche,
    Et dans la plaine grasse où moutonnent les blés ;
    Bonne dans les pâtis où les boeufs rassemblés
    Mugissent ; bonne encore aux fentes de la roche
    Où les oliviers gris aux figuiers sont mêlés !

    Au front des pics neigeux où l’aigle pend son aire,
    Et dont le soleil fait des tours de diamant,
    Dans le glacier d’où sort le gave en écumant,
    Et d’où parfois, avec un fracas de tonnerre,
    L’avalanche bondit sur nos champs de froment ;

    Belle et bonne toujours, à la fois forte et douce,
    Notre terre se dresse en granit menaçant,
    Tourne vers l’étranger son plus âpre versant,
    Et nous déroule l’autre en gradins, sans secousse,
    Comme un tapis moelleux qui d’un palais descend.

    Et là-bas, tout au bout du morne promontoire
    D’où s’élèvent, le soir, les cris et les sanglots
    Des mères et des soeurs pleurant nos matelots,
    Notre terre est superbe en sa double victoire
    De ses feux sur la nuit, de ses rocs sur les flots !

    Elle est belle surtout au pays d’où nous sommes,
    Provençaux ou Lorrains, Rouergats ou Bretons,
    Au pays qu’en nos coeurs partout nous emportons,
    Dont nous gardons l’accent, dont nous vantons les hommes,
    Et que, depuis Brizeux, à Paria nous chantons !

    Elle est douce au vallon où joua notre enfance
    Et dont l’esprit toujours reprend l’étroit chemin ;
    Douce ou l’on nous connaît, où l’on nous tend la main,
    Douce où dorment nos morts, douce où l’on a d’avance
    Marqué la place où l’on ira dormir demain !…

    Mais plus belle et plus douce à notre âme meurtrie
    Est la terre d’Alsace arrachée à nos flancs,
    La terre où sont tombés nos cuirassiers sanglants,
    Et d’où leur ombre encore éperdument nous crie :
    » Frères, comme à venir vers nous vous êtes lents ! «

    La terre qu’il faudra reprendre par l’épée,
    Quitte à donner nos fils la les plus forts, les plus beaux,
    – Mères, vous le savez ! – en pâture aux corbeaux,
    Mais qui, plus belle encor de notre sang trempée,
    Verra se soulever les morts de leurs tombeaux

    Pour regarder venir, au sommet des collines,
    Nos drapeaux bien-aimés qui claqueront au vent,
    Pour ouïr nos clairons sonner en les suivant,
    Tandis que sous le ciel, en notes cristallines,
    Ses clochers chanteront dans le soleil levant !…

    Terre de France, terre entre toutes féconde,
    Dont on a pu blesser mais non tarir le sein,
    Ruche d’où part vibrant le glorieux essaim
    Que depuis trois mille ans Dieu mène par le monde
    A l’accomplissement de quelque grand dessein ;

    Terre où le soc demain peut se changer en glaive,
    Et le canon bondir en écrasant des fleurs,
    Mère d’un peuple fier que trempent les douleurs,
    Qui trop souvent faiblit, mais toujours se relève,
    Plus grand au lendemain de ses plus grands malheurs ;

    Terre de laboureurs, d’apôtres, de poètes
    Qui font beau ton passé, triste et doux ton présent ;
    Terre d’où l’Idéal son vol puissant
    Et monte dans le ciel avec tes alouettes
    Dès que l’aigle a cessé de réclamer du sang ;

    Pardonne à l’un de ceux que tes beautés enchantent,
    Qui t’aime dans tes monts, tes plaines et tes bois,
    Tes douleurs d’aujourd’hui, tes gloires d’autrefois,
    De te chanter, un peu comme nos pâtres chantent,
    Avec beaucoup de coeur, sans art, à pleine voix.

    François Fabié, Fleurs de genêts


     

     

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    ETE 1

     

    ETE 1


    Vieux Jardins

    Qui n’aime ces jardins des humbles dont les haies
    Sont de neige au printemps, puis s’empourprent de baies
    Que visite le merle à l’arrière-saison ;
    Où dort, couvert de mousse, un vieux pan de maison
    Qu’une vigne gaîment couronne de sa frise,
    Sous la fenêtre étroite et que le temps irise ;
    Où des touffes de buis d’âge immémorial
    Répandent leur parfum austère et cordial ;
    Où la vieillesse rend les groseilliers avares ;
    Jardinets mesurant à peine quelques ares,
    Mais si pleins de verdeurs et de destructions
    Qu’on y suivrait le fil des générations;
    Où près du tronc caduc et pourri qu’un ver fouille,
    Les cheveux allumés, l’enfant vermeil gazouille ;
    Où vers le banc verdi les bons vieillards tremblants
    Viennent, sur leur béquille appuyant leurs pas lents
    Et gardant la gaîté, – car leur âme presbyte
    Voit mieux les beaux lointains que la lumière habite, –
    D’un regard déjà lourd de l’éternel sommeil,
    Tout doucement sourire à leur dernier soleil ?

    Jules Breton, Jeanne Chant VI

     

     

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     À Aurore

    La nature est tout ce qu’on voit,
    Tout ce qu’on veut, tout ce qu’on aime.
    Tout ce qu’on sait, tout ce qu’on croit,
    Tout ce que l’on sent en soi-même.

    Elle est belle pour qui la voit,
    Elle est bonne à celui qui l’aime,
    Elle est juste quand on y croit
    Et qu’on la respecte en soi-même.

    Regarde le ciel, il te voit,
    Embrasse la terre, elle t’aime.
    La vérité c’est ce qu’on croit
    En la nature c’est toi-même.

    George Sand

     

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