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Par sylvie erwan le 27 Novembre 2021 à 07:55
Ô jeune Florentine
Ô jeune Florentine à la prunelle noire,
Beauté dont je voudrais éterniser la gloire,
Vous sur qui notre maître eût jeté plus de lys
Que devant Galatée ou sur Amaryllis,
Vous qui d’un blond sourire éclairez toutes choses
Et dont les pieds polis sont pleins de reflets roses,
Hier vous étiez belle, en quittant votre bain,
À tenter les pinceaux du bel ange d’Urbin.
Ô colombe des soirs ! moi qui vous trouve telle
Que j’ai souvent brûlé de vous rendre immortelle,
Si j’étais Raphaël ou Dante Alighieri
Je mettrais des clartés sur votre front chéri,
Et des enfants riants, fous de joie et d’ivresse,
Planeraient, éblouis, dans l’air qui vous caresse.
Si Virgile, ô diva ! m’instruisait à ses jeux,
Mes chants vous guideraient vers l’Olympe neigeux
Et l’on y pourrait voir sous les rayons de lune,
Près de la Vénus blonde une autre Vénus brune.
Vous fouleriez ces monts que le ciel étoilé
Regarde, et sur le blanc tapis inviolé
Qui brille, vierge encor de toute flétrissure,
Les Grâces baiseraient votre belle chaussure !
Mai 1842.
Théodore de Banville, Les Cariatides (1842)
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Par sylvie erwan le 20 Novembre 2021 à 08:45
Le Démêloir
Quelle est celle-ci qui s’avance comme
l’Aurore lorsqu’elle se lève, qui est belle
comme la Lune et éclatante comme le Soleil,
et qui est terrible comme une armée rangée en
bataille ?
Cantique des cantiques.
Je sais qu’elle est pareille aux Anges de lumière.
Elle a des rayons d’astre éclos sous sa paupière,
Et je vois aux candeurs de son pied calme et pur
Qu’il a marché longtemps sur les tapis d’azur.
Sa bouche harmonieuse et de charme inondée
Semble, à son doux parfum de roses de Judée,
Avoir vidé la coupe aux noces de Cana,
Et chanté dans les cieux le Salve Regina.
Mais ces tempes de marbre et ce sourcil farouche,
La superbe fierté du front et de la bouche,
Ces rougeurs, ce duvet pleins de défis mordants,
L’insolente fraîcheur de ces tons discordants,
Ces ongles lumineux et ces dents de tigresse
A des instants furtifs trahissent la Déesse.
Quand, pareille aux Vénus que je chante en mes vers,
Sous un grand démêloir d’écaille aux reflets verts
Elle fait ruisseler, en sortant de l’alcôve,
Cette ample chevelure à l’or sanglant et fauve,
Quand ses mains de statue achèvent d’y verser
Le flot d’huile épandu, le soleil fait glisser
Sur ces âpres trésors, qu’à loisir elle baigne,
Un rayon rose au bout de chaque dent du peigne.
Théodore de Banville, Les Stalactites, 1846
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Par sylvie erwan le 13 Novembre 2021 à 07:42
La Muse
La muse est un oiseau, disait un maître ancien.
Auguste Vacquerie.
Près du ruisseau, sous la feuillée,
Menons la Muse émerveillée
Chanter avec le doux roseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Puisque la Muse est un oiseau,
Gardons que quelque damoiseau
N’apprenne ses chansons nouvelles
Pour aller les redire aux belles.
Un méchant aux plus fortes ailes
Tend mille pièges infidèles.
Gardons-la bien de son réseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Puisque la Muse est un oiseau,
Empêchons qu’un fatal ciseau
Ne la poursuive et ne s’engage
Dans les plumes de son corsage.
Mère, veillez bien sur la cage
Où la Muse rêve au bocage.
Veillez en tournant le fuseau,
Puisque la Muse est un oiseau.
Théodore de Banville, Les Stalactites, 1846
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