• CARNAVAL 4

     


    CARNAVAL 4

    Carnaval
    Venise pour le bal s'habille.
    De paillettes tout étoilé,
    Scintille, fourmille et babille
    Le carnaval bariolé.

    Arlequin, nègre par son masque,
    Serpent par ses mille couleurs,
    Rosse d'une note fantasque
    Cassandre son souffre-douleurs.

    Battant de l'aile avec sa manche
    Comme un pingouin sur un écueil,
    Le blanc Pierrot, par une blanche,
    Passe la tête et cligne l’œil.

    Le Docteur bolonais rabâche
    Avec la basse aux sons traînés;
    Polichinelle, qui se fâche,
    Se trouve une croche pour nez.

    Heurtant Trivelin qui se mouche
    Avec un trille extravagant,
    A Colombine Scaramouche
    Rend son éventail ou son gant.

    Sur une cadence se glisse
    Un domino ne laissant voir
    Qu'un malin regard en coulisse
    Aux paupières de satin noir.

    Ah! fine barbe de dentelle,
    Que fait voler un souffle pur,
    Cet arpège m'a dit : C'est elle !
    Malgré tes réseaux, j'en suis sûr,

    Et j'ai reconnu, rose et fraîche,
    Sous l'affreux profil de carton,
    Sa lèvre au fin duvet de pêche,
    Et la mouche de son menton. »

    Théophile Gautier - Émaux et Camées 

     

     

     

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    CARNAVAL 2

     

    CARNAVAL 2

     A la mi-carême

     Le carnaval s’en va, les roses vont éclore ;

    Sur les flancs des coteaux déjà court le gazon.

    Cependant du plaisir la frileuse saison

    Sous ses grelots légers rit et voltige encore,

    Tandis que, soulevant les voiles de l’aurore,

    Le Printemps inquiet paraît à l’horizon.

     

     Du pauvre mois de mars il ne faut pas médire ;

    Bien que le laboureur le craigne justement,

    L’univers y renaît ; il est vrai que le vent,

    La pluie et le soleil s’y disputent l’empire.

    Qu’y faire ? Au temps des fleurs, le monde est un enfant ;

    C’est sa première larme et son premier sourire.

     

    C’est dans le mois de mars que tente de s’ouvrir

    L’anémone sauvage aux corolles tremblantes.

    Les femmes et les fleurs appellent le zéphyr ;

    Et du fond des boudoirs les belles indolentes,

    Balançant mollement leurs tailles nonchalantes,

    Sous les vieux marronniers commencent à venir.

     

    C’est alors que les bals, plus joyeux et plus rares,

    Prolongent plus longtemps leurs dernières fanfares ;

    À ce bruit qui nous quitte, on court avec ardeur ;

    La valseuse se livre avec plus de langueur :

    Les yeux sont plus hardis, les lèvres moins avares,

    La lassitude enivre, et l’amour vient au coeur.

     

    S’il est vrai qu’ici-bas l’adieu de ce qu’on aime

    Soit un si doux chagrin qu’on en voudrait mourir,

    C’est dans le mois de mars, c’est à la mi-carême,

    Qu’au sortir d’un souper un enfant du plaisir

    Sur la valse et l’amour devrait faire un poème,

    Et saluer gaiement ses dieux prêts à partir.

     

    Mais qui saura chanter tes pas pleins d’harmonie,

    Et tes secrets divins, du vulgaire ignorés,

    Belle Nymphe allemande aux brodequins dorés ?

    Ô Muse de la valse ! ô fleur de poésie !

    Où sont, de notre temps, les buveurs d’ambroisie

    Dignes de s’étourdir dans tes bras adorés ?

     

    Quand, sur le Cithéron, la Bacchanale antique

    Des filles de Cadmus dénouait les cheveux,

    On laissait la beauté danser devant les dieux ;

    Et si quelque profane, au son de la musique,

    S’élançait dans les choeurs, la prêtresse impudique

    De son thyrse de fer frappait l’audacieux.

     

    Il n’en est pas ainsi dans nos fêtes grossières ;

    Les vierges aujourd’hui se montrent moins sévères,

    Et se laissent toucher sans grâce et sans fierté.

    Nous ouvrons à qui veut nos quadrilles vulgaires ;

    Nous perdons le respect qu’on doit à la beauté,

    Et nos plaisirs bruyants font fuir la volupté.

     

    Tant que régna chez nous le menuet gothique,

    D’observer la mesure on se souvint encor.

    Nos pères la gardaient aux jours de thermidor,

    Lorsqu’au bruit des canons dansait la République,

    Lorsque la Tallien, soulevant sa tunique,

    Faisait de ses pieds nus claquer les anneaux d’or.

     

    Autres temps, autres moeurs ; le rythme et la cadence

    Ont suivi les hasards et la commune loi.

    Pendant que l’univers, ligué contre la France,

    S’épuisait de fatigue à lui donner un roi,

    La valse d’un coup d’aile a détrôné la danse.

    Si quelqu’un s’en est plaint, certes, ce n’est pas moi.

     

    Je voudrais seulement, puisqu’elle est notre hôtesse,

    Qu’on sût mieux honorer cette jeune déesse.

    Je voudrais qu’à sa voix on pût régler nos pas,

    Ne pas voir profaner une si douce ivresse,

    Froisser d’un si beau sein les contours délicats,

    Et le premier venu l’emporter dans ses bras.

     

    C’est notre barbarie et notre indifférence

    Qu’il nous faut accuser ; notre esprit inconstant

    Se prend de fantaisie et vit de changement ;

    Mais le désordre même a besoin d’élégance ;

    Et je voudrais du moins qu’une duchesse, en France,

    Sût valser aussi bien qu’un bouvier allemand.

     

    Alfred de Musset 

     

     

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    Bon week-end et bonne semaine à vous tous


    Bon week-end et bonne semaine à vous tous

    Les Roses de Venise

    Dans la cambrure du Grand Canal ,
    J'ai vu fleurir des choses étranges .
    Quand les dorures sont végétales ,
    Ici les roses portent les anges .

    Villon y dirait leurs douleurs ,
    Baudelaire aimerait leurs frayeurs,
    Rimbaud y tiendrait ses couleurs ,
    Et ses voyelles, et mon bonheur .

    Les Roses de Venise sont toutes de pierres vêtues ,
    Couvertes de porphyre , de marbre , de blanche d'Istrie .
    Les pétales mordorés de ces fleurs d' Italie
    N'ont de senteurs , que le nectar de leur vécu .
    Flora , la vie ,
    Que j'aime à la folie ,
    Vous voici !

    Au lit des pilotis , vous avez survécu ,
    A la peste , à sa mort , et aux hommes pervertis .
    Les pieux de rouvre et de mélèze sont le châssis
    De votre beauté , loin du malheur , survenu .
    Flora , la vie ,
    Que j'aime à la folie ,
    Vous voici !

    Rêvant d'un paradis , qu'il croit avoir perdu ,
    Le ruisseau perpétuel des amoureux transis ,
    Transis par vos parterres sans cesse refleuris
    Découvre émerveillé , le sensuel , la vertu .
    Flora , la vie ,
    Que j'aime à la folie ,
    Vous voici !

    Quand ces deux angelots émergent à ma vue ,
    Au profond du miroir , et derrière celui-ci ,
    A la vase des canaux , et au ciel d'Italie ,
    Le diable et le bon Dieu sont chez vous revenus .
    Flora , la vie ,
    Que j'aime à la folie ,
    Vous voici !

    Belles Rosas continuez , au soleil apparu ,
    De mirer vos sépales , aux reflets rouges et gris ,
    De perdre vos pétales , au gré des jours de vie ,
    Que l'on veut attraper , et qui ont disparu .
    Flora , la vie ,
    Que j'aime à la folie ,
    Vous voici !

    Gérard Cotton


     

     

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