• Kit 12

    Kit 12
    Sonnet d’automne

    Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
     » Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? «
    – Sois charmante et tais-toi ! Mon coeur, que tout irrite,
    Excepté la candeur de l’antique animal,

    Ne veut pas te montrer son secret infernal,
    Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite,
    Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
    Je hais la passion et l’esprit me fait mal !

    Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite,
    Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal.
    Je connais les engins de son vieil arsenal :

    Crime, horreur et folie ! – Ô pâle marguerite !
    Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal,
    Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?

    Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

    Sylvie Erwan 

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  • Kit 8

    Kit 8


    Tarentelle d’automne

    Vois-tu près des cohortes bovines
    Choir les feuilles dans les ravines,
    Dans les ravines ?

    Vois-tu sur le côteau des années
    Choir mes illusions fanées,
    Toutes fanées ?

    Avec quelles rageuses prestesses
    Court la bise de nos tristesses,
    De mes tristesses !

    Vois-tu près des cohortes bovines,
    Choir les feuilles dans les ravines
    Dans les ravines ?

    Ma sérénade d’octobre enfle une
    Funéraire voix à la lune,
    Au clair de lune.

    Avec quelles rageuses prestesses
    Court la bise de nos tristesses,
    De mes tristesses !

    Le doguet bondit dans la vallée.
    Allons-nous-en par cette allée,
    La morne allée !

    Ma sérénade d’octobre enfle une
    Funéraire voix à la lune,
    Au clair de lune.

    On dirait que chaque arbre divorce
    Avec sa feuille et son écorce,
    Sa vieille écorce.

    Ah ! Vois sur la pente des années
    Choir mes illusions fanées,
    Toutes fanées !

    Emile Nelligan, Virgiliennes 

    Sylvie Erwan 

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  • Kit 6

    Kit 6


    Vigne vierge d’automne

    Vous laissez tomber vos mains rouges,
    Vigne vierge, vous les laissez tomber
    Comme si tout le sang du monde était sur elles.

    À leur frisson, toute la balustrade bouge,
    Tout le mur saigne,
    Ô vigne vierge… Tout le ciel est imbibé
    D’une même lumière rouge.

    C’est comme un tremblement d’ailes rouges qui tombent,
    D’ailes d’oiseaux des îles, d’ailes
    Qui saignent. C’est la fin d’un règne –
    Ou quelque chose de plus simple infiniment.

    Ce sont les pieds palmés de hauts flamants
    Ou de fragiles pattes de colombes
    Qui marchent dans l’allée.
    (Où vont-elles, si rouges ?)
    Leurs traces étoilées
    Rejoignent l’autre vigne, où l’on vendange.
    Si rouge,
    Est-ce déjà le sang des cuves pleines ?
    Ah ! simplement la fête des vendanges,
    Simplement n’est-ce pas ?

    Et pourtant, que vos mains sont tremblantes ! Leurs veines
    Se rompent une à une… Tant de sang…
    Et cette odeur si fade, étrange.
    Ces mains qui tombent d’un air las,
    Ô vigne vierge, d’un air las et comme absent,
    Ces mains abandonnées…

    (Lady Macbeth n’eut-elle pas ce geste
    Après avoir frotté la tache si longtemps ?)

    Mains qui se crispent, mains qui restent
    En lambeaux rouges sur octobre palpitant ;
    Dites, oh ! dites chaque année
    Êtes-vous les mains meurtrières de l’Automne ?

    Ou chaque année,
    Sans rien qui s’en émeuve ni personne,
    Des mains assassinées
    Qui flottent au fil rouge de l’automne ?

    Sabine Sicaud, Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 (Recueil posthume)
     

     Sylvie Erwan 

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